Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/266

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— Oh ! maman, je n’ai plus d’espoir, dit Hortense.

Et, sans pouvoir retenir ses larmes, elle tendit à sa mère une Revue des Beaux-Arts. Madame Hulot aperçut une gravure du groupe de Dalila par le comte de Steinbock, dessous laquelle était imprimé : Appartenant à madame Marneffe. Dès les premières lignes, l’article signé d’un V révélait le talent et la complaisance de Claude Vignon.

— Pauvre petite… dit la baronne.

Effrayée de l’accent presque indifférent de sa mère, Hortense la regarda, reconnut l’expression d’une douleur auprès de laquelle la sienne devait pâlir, et elle vint embrasser sa mère à qui elle dit :  — Qu’as-tu, maman ? qu’arrive-t-il, pouvons-nous être plus malheureuses que nous ne le sommes ?

— Mon enfant, il me semble en comparaison de ce que je souffre aujourd’hui que mes horribles souffrances passées ne sont rien. Quand ne souffrirai-je plus ?

— Au ciel, ma mère ! dit gravement Hortense.

— Viens, mon ange, tu m’aideras à m’habiller… mais non… Je ne veux pas que tu t’occupes de cette toilette. Envoie-moi Louise.

Adeline, rentrée dans sa chambre, alla s’examiner au miroir. Elle se contempla tristement et curieusement en se demandant à elle-même :  — Suis-je encore belle ?… peut-on me désirer encore ?… Ai-je des rides ?…

Elle souleva ses beaux cheveux blonds et se découvrit les tempes ! Là tout était frais comme chez une jeune fille. Adeline alla plus loin, elle se découvrit les épaules et fut satisfaite, elle eut un mouvement d’orgueil. La beauté des épaules qui sont belles, est celle qui s’en va la dernière chez la femme, surtout quand la vie a été pure. Adeline choisit avec soin les éléments de sa toilette ; mais la femme pieuse et chaste resta chastement mise, malgré ses petites inventions de coquetterie. À quoi bon des bas de soie gris tout neufs, des souliers en satin à cothurnes, puisqu’elle ignorait totalement l’art d’avancer, au moment décisif, un joli pied en le faisant dépasser de quelques lignes une robe à demi soulevée pour ouvrir des horizons au désir ! Elle mit bien sa plus jolie robe de mousseline à fleurs peintes, décolletée et à manches courtes ; mais, épouvantée de ses nudités, elle couvrit ses beaux bras de manches en gaze claire, elle voila sa poitrine et ses épaules d’un fichu brodé. Sa