Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/281

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et comme tu es un peu la cause de tout cela, ma petite duchesse, je vais réparer le mal. Oh ! c’est une sainte femme, je la connais, elle me rendra tout.

Au mot Hulot, et aux deux cent mille francs, Valérie eut un regard qui passa, comme la lueur du canon dans sa fumée, entre ses longues paupières.

— Qu’a-t-elle donc fait pour t’apitoyer, la vieille ! elle t’a montré, quoi ? sa… sa religion !…

— Ne te moque pas d’elle, mon cœur, c’est une bien sainte, une bien noble et pieuse femme, digne de respect !…

— Je ne suis donc pas digne de respect, moi ! dit Valérie en regardant Crevel d’un air sinistre.

— Je ne dis pas cela, répondit Crevel en comprenant combien l’éloge de la vertu devait blesser madame Marneffe.

— Moi aussi je suis pieuse, dit Valérie en allant s’asseoir sur un fauteuil ; mais je ne fais pas métier de ma religion, je me cache pour aller à l’église.

Elle resta silencieuse et ne fit plus attention à Crevel. Crevel, excessivement inquiet, vint se poser devant le fauteuil où s’était plongée Valérie et la trouva perdue dans les pensées qu’il avait si niaisement réveillées.

— Valérie, mon petit ange ?…

Profond silence. Une larme assez problématique fut essuyée furtivement.

— Un mot, ma louloutte…

— Monsieur !

— À quoi penses-tu, mon amour ?

— Ah ! monsieur Crevel, je pense au jour de ma première communion ! Étais-je belle ! Étais-je pure ! Étais-je sainte !… immaculée !… ah ! si quelqu’un était venu dire à ma mère :  —  « Votre fille sera une traînée, elle trompera son mari. Un jour, un commissaire de police la trouvera dans une petite maison, elle se vendra à un Crevel pour trahir un Hulot, deux atroces vieillards… » Pouah !… fi ! Elle serait morte avant la fin de la phrase, tant elle m’aimait, la pauvre femme !

— Calme-toi !

— Tu ne sais pas combien il faut aimer un homme pour imposer silence à ces remords qui viennent vous pincer le cœur d’une femme adultère. Je suis fâchée que Reine soit partie, elle t’aurait