Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/343

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— Après-demain, mon cher monsieur Crevel, je vous dirai le jour et l’heure, le moment où je serai en mesure de dévoiler l’épouvantable dépravation de votre future épouse…

— Très-bien, je serai charmé, dit Crevel qui reprit son sang-froid. Adieu, mes enfants, au revoir. Adieu, Lisbeth…

— Suis-le donc, Lisbeth, dit Célestine à l’oreille de la cousine Bette.

— Eh bien ! voilà comme vous vous en allez ?… cria Lisbeth à Crevel.

— Ah ! lui dit Crevel, il est devenu très-fort, mon gendre, il s’est formé. Le Palais, la Chambre, la rouerie judiciaire et la rouerie politique en font un gaillard. Ah ! ah ! il sait que je me marie mercredi prochain, et dimanche, ce monsieur me propose de me dire, dans trois jours, l’époque à laquelle il me démontrera que ma femme est indigne de moi… Ce n’est pas maladroit… Je retourne signer le contrat. Allons, viens avec moi, Lisbeth, viens !… Ils n’en sauront rien ! Je voulais laisser quarante mille francs de rente à Célestine ; mais Hulot vient de se conduire de manière a s’aliéner mon cœur à tout jamais.

— Donnez-moi dix minutes, père Crevel, attendez-moi dans votre voiture à la porte, je vais trouver un prétexte pour sortir.

— Eh bien ! c’est convenu…

— Mes amis, dit Lisbeth qui retrouva la famille au salon, je vais avec Crevel, on signe le contrat ce soir, et je pourrai vous en dire les dispositions. Ce sera probablement ma dernière visite à cette femme. Votre père est furieux. Il va vous déshériter…

— Sa vanité l’en empêchera, répondit l’avocat. Il a voulu posséder la terre de Presles, il la gardera, je le connais. Eût-il des enfants, Célestine recueillera toujours la moitié de ce qu’il laissera, la loi l’empêche de donner toute sa fortune… Mais ces questions ne sont rien pour moi, je ne pense qu’à notre honneur… Allez, cousine, dit-il en serrant la main de Lisbeth, écoutez bien le contrat.

Vingt minutes après, Lisbeth et Crevel entraient à l’hôtel de la rue Barbet, où madame Marneffe attendait dans une douce impatience le résultat de la démarche qu’elle avait ordonnée. Valérie avait été prise, à la longue, pour Wenceslas de ce prodigieux amour qui, une fois dans la vie, étreint le cœur des femmes. Cet artiste manqué devint, entre les mains de madame Marneffe, un amant si parfait, qu’il était pour elle ce qu’elle avait été pour le baron Hulot.