Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/386

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— C’est une fille tout à fait sauvage !… se dit Adeline.

— Oh ! madame, il y en a beaucoup comme elle au faubourg ! dit la femme du fumiste.

— Mais elle ignore tout, même le mal, mon Dieu ! Pourquoi ne me réponds-tu pas ?… demanda la baronne en essayant de prendre Atala par la main.

Atala courroucée recula d’un pas.

— Vous êtes une vieille folle ! dit-elle. Mon père et ma mère étaient à jeun depuis une semaine ! Ma mère voulait faire de moi quelque chose de bien mauvais, puisque mon père l’a battue en l’appelant voleuse ! Pour lors, monsieur Vyder a payé toutes les dettes de mon père et de ma mère et leur a donné de l’argent… oh ! plein un sac !… Et il m’a emmenée, que mon pauvre papa pleurait… Mais il fallait nous quitter !… Eh bien ! est-ce mal ? demanda-t-elle.

— Et aimez-vous bien ce monsieur Vyder ?…

— Si je l’aime ?… dit-elle. Je crois bien, madame ! il me raconte de belles histoires tous les soirs !… Et il m’a donné de belles robes, du linge, un châle. Mais, c’est que je suis nippée comme une princesse, et je ne porte plus de sabots ! Enfin, depuis deux mois, je ne sais plus ce que c’est que d’avoir faim. Je ne mange plus de pommes de terre ! Il m’apporte des bonbons, des pralines ! Oh ! que c’est bon, le chocolat praliné !… Je fais tout ce qu’il veut pour un sac de chocolat ! Et puis, mon gros père Vyder est bien bon, il me soigne si bien, si gentiment, que ça me fait voir comment aurait dû être ma mère… Il va prendre une vieille bonne pour me soigner, car il ne veut pas que je me salisse les mains à faire la cuisine. Depuis un mois, il commence à gagner pas mal d’argent, il m’apporte trois francs tous les soirs… que je mets dans une tirelire ! Seulement, il ne veut pas que je sorte, excepté pour venir ici… C’est ça un amour d’homme ; aussi, fait-il de moi ce qu’il veut… Il m’appelle sa petite chatte ! et ma mère ne m’appelait que petite B…., ou bien f…. p….. ! voleuse, vermine ! Est-ce que je sais !

— Eh bien ! pourquoi, mon enfant, ne ferais-tu pas ton mari du père Vyder ?…

— Mais, c’est fait, madame ! dit la jeune fille en regardant la baronne d’un air plein de fierté, sans rougir, le front pur, les yeux calmes. Il m’a dit que j’étais sa petite femme, mais c’est bien embêtant d’être la femme d’un homme !… Allez ! sans les pralines !…