Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— En ce moment, dit la baronne, je ne vous demande pas d’argent, je vous demande votre coopération à une bonne œuvre. Je viens de voir la petite Judici qui vit avec un vieillard, et je veux les marier religieusement, légalement.

— Ah ! le père Vyder ! c’est un bien brave et digne homme, il est de bon conseil. Ce pauvre vieux s’est déjà fait des amis dans le quartier, depuis deux mois qu’il y est venu. Il me met mes mémoires au net. C’est un brave colonel, je crois, qui a bien servi l’Empereur… Ah ! comme il aime Napoléon ! Il est décoré, mais il ne porte jamais de décorations. Il attend qu’il se soit refait, car il a des dettes, le pauvre cher homme !… je crois même qu’il se cache, il est sous le coup des huissiers…

— Dites que je payerai ses dettes, s’il veut épouser la petite…

— Ah bien ! ce sera bientôt fait. Tenez, madame, allons-y… c’est à deux pas, dans le passage du Soleil !

La baronne et le fumiste sortirent pour aller au passage du Soleil.

— Par ici, madame, dit le fumiste en montrant la rue de la Pépinière.

Le passage du Soleil est en effet au commencement de la rue de la Pépinière et débouche rue du Rocher. Au milieu de ce passage de création récente, et dont les boutiques sont d’un prix très-modique, la baronne aperçut, au-dessus d’un vitrage garni de taffetas vert, à une hauteur qui ne permettait pas aux passants de jeter des regards indiscrets : écrivain public, et sur la porte :

cabinet d’affaires.
Ici l’on rédige les pétitions, on met les mémoires au net, etc.
Discrétion, célérité.


L’intérieur ressemblait à ces bureaux de transit où les omnibus de Paris font attendre les places de correspondance aux voyageurs. Un escalier intérieur menait sans doute à l’appartement en entresol éclairé par la galerie et qui dépendait de la boutique. La baronne aperçut un bureau de bois blanc noirci, des cartons, et un ignoble fauteuil acheté d’occasion. Une casquette et un abat-jour en taffetas vert à fil d’archal tout crasseux annonçaient soit des précautions prises pour se déguiser, soit une faiblesse d’yeux assez concevable chez un vieillard.