Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/391

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— Vous lui direz, ajouta-t-elle, que si elle veut se mettre sous la direction de monsieur le curé de la Madeleine, le jour où elle fera sa première communion je lui donnerai trente mille francs de dot et un bon mari, quelque brave jeune homme !

— Mon fils aîné, madame ! il a vingt-deux ans, et il adore cette enfant !

Le baron descendit en ce moment, il avait les yeux humides.

— Tu me fais quitter, dit-il à l’oreille de sa femme, la seule créature qui ait approché de l’amour que tu as pour moi ! Cette petite fond en larmes, et je ne puis pas l’abandonner ainsi…

— Sois tranquille, Hector ! elle va se trouver au milieu d’une honnête famille, et je réponds de ses mœurs.

— Ah ! je puis te suivre alors, dit le baron en conduisant sa femme à la citadine.

Hector, redevenu baron d’Ervy, avait mis un pantalon et une redingote en drap bleu, un gilet blanc, une cravate noire et des gants. Lorsque la baronne fut assise au fond de la voiture, Atala s’y fourra par un mouvement de couleuvre.

— Ah ! madame, dit-elle, laissez-moi vous accompagner et aller avec vous… Tenez, je serai bien gentille, bien obéissante, je ferai tout ce que vous voudrez ; mais ne me séparez pas du père Vyder, de mon bienfaiteur qui me donne de si bonnes choses. Je vais être battue !…

— Allons, Atala, dit le baron, cette dame est ma femme, et il faut nous quitter…

— Elle ! si vieille que ça ! répondit l’innocente, et qui tremble comme une feuille ! Oh ! c’te tête !

Et elle imita railleusement le tressaillement de la baronne. Le fumiste, qui courait après la petite Judici, vint à la portière de la voiture.

— Emportez-la ! dit la baronne.

Le fumiste prit Atala dans ses bras et l’emmena chez lui de force.

— Merci de ce sacrifice, mon ami ! dit Adeline en prenant la main du baron et la serrant avec une joie délirante. Es-tu changé ! Comme tu dois avoir souffert ! Quelle surprise pour ta fille, pour ton fils !

Adeline parlait comme parlent les amants qui se revoient après une longue absence, de mille choses à la fois. En dix minutes, le