Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/393

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Hulot fils pria le garde du commerce de renvoyer son monde, et il paya. — Sera-ce là tout ? se dit-il avec inquiétude.

Lisbeth, déjà bien malheureuse du bonheur qui luisait sur la famille, ne put soutenir cet événement heureux. Elle empira si bien, qu’elle fut condamnée par Bianchon à mourir une semaine après, vaincue au bout de cette longue lutte marquée pour elle par tant de victoires. Elle garda le secret de sa haine au milieu de l’affreuse agonie d’une phthisie pulmonaire. Elle eut d’ailleurs la satisfaction suprême de voir Adeline, Hortense, Hulot, Victorin, Steinbock, Célestine et leurs enfants tous en larmes autour de son lit, et la regrettant comme l’ange de la famille. Le baron Hulot, mis à un régime substantiel qu’il ignorait depuis bientôt trois ans, reprit de la force, et il se ressembla presque à lui-même. Cette restauration rendit Adeline heureuse à un tel point que l’intensité de son tressaillement nerveux diminua. — Elle finira par être heureuse ! se dit Lisbeth la veille de sa mort en voyant l’espèce de vénération que le baron témoignait à sa femme dont les souffrances lui avaient été racontées par Hortense et par Victorin. Ce sentiment hâta la fin de la cousine Bette, dont le convoi fut mené par toute une famille en larmes.

Le baron et la baronne Hulot, se voyant arrivés à l’âge du repos absolu, donnèrent au comte et à la comtesse Steinbock les magnifiques appartements du premier étage, et se logèrent au second. Le baron, par les soins de son fils, obtint une place dans un chemin de fer, au commencement de l’année 1845, avec six mille francs d’appointements, qui, joints aux six mille francs de pension de sa retraite et à la fortune léguée par madame Crevel, lui composèrent vingt-quatre mille francs de rente. Hortense, ayant été séparée de biens avec son mari pendant les trois années de brouille, Victorin n’hésita plus à placer au nom de sa sœur les deux cent mille francs du fidéicommis, et il fit à Hortense une pension de douze mille francs. Wenceslas, mari d’une femme riche, ne lui faisait aucune infidélité ; mais il flânait, sans pouvoir se résoudre à entreprendre une œuvre, si petite qu’elle fût. Redevenu artiste in partibus, il avait beaucoup de succès dans les salons, il était consulté par beaucoup d’amateurs ; enfin il passa critique, comme tous les impuissants qui mentent à leurs débuts. Chacun de ces ménages jouissait donc d’une fortune particulière, quoique vivant en famille. Éclairée par tant de malheurs, la baronne laissait à son fils le