Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/430

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Au moment où Pons cherchait une de ces complimenteuses réponses qui lui venaient toujours trop tard chez les amphitryons dont il avait peur, Madeleine entra, remit un petit billet à la présidente, et attendit une réponse. Voici ce que contenait le billet :

« Si nous supposions, ma chère maman, que ce petit mot nous est envoyé du Palais par mon père qui te dirait d’aller dîner avec moi chez son ami pour renouer l’affaire de mon mariage, le cousin s’en irait, et nous pourrions donner suite à nos projets chez les Popinot. »

— Qui donc monsieur m’a-t-il dépêché ? demanda vivement la présidente.

— Un garçon de salle du Palais, répondit effrontément la sèche Madeleine.

Par cette réponse, la vieille soubrette indiquait à sa maîtresse qu’elle avait ourdi ce complot, de concert avec Cécile impatientée.

— Dites que ma fille et moi, nous y serons à cinq heures et demie.

Madeleine une fois sortie, la présidente regarda le cousin Pons avec cette fausse aménité qui fait sur une âme délicate l’effet que du vinaigre et du lait mélangés produisent sur la langue d’un friand.

— Mon cher cousin, le dîner est ordonné, vous le mangerez sans nous, car mon mari m’écrit de l’audience pour me prévenir que le projet de mariage se reprend avec le conseiller, et nous allons y dîner… Vous concevez que nous sommes sans aucune gêne ensemble. Agissez ici comme si vous étiez chez vous. Vous voyez la franchise dont j’use avec vous pour qui je n’ai pas de secret… Vous ne voudriez pas faire manquer le mariage de ce petit ange ?

— Moi, ma cousine, qui voudrais au contraire lui trouver un mari ; mais dans le cercle où je vis…

— Oui, ce n’est pas probable, repartit insolemment la présidente. Ainsi, vous restez ? Cécile vous tiendra compagnie pendant que je m’habillerai.

— Oh ! ma cousine, je puis dîner ailleurs, dit le bonhomme.

Quoique cruellement affecté de la manière dont s’y prenait la présidente pour lui reprocher son indigence, il était encore plus effrayé par la perspective de se trouver seul avec les domestiques.

— Mais pourquoi ?… le dîner est prêt, les domestiques le mangeraient.