Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/467

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un héros de roman, un vrai Werther, charmant, un bon cœur, ayant fait ses folies, qui s’est épris de Cécile à en perdre la tête, c’est un amour à première vue, et d’autant plus sûr, que Cécile avait pour rivales toutes les madones peintes de Pons, etc. etc.

Le surlendemain, quelques personnes vinrent complimenter la présidente uniquement pour savoir si la dent d’or existait, et la présidente fit ces variations admirables que les mères pourront consulter, comme autrefois on consultait le parfait secrétaire.

— Un mariage n’est fait, disait-elle à madame Chiffreville, que quand on revient de la Mairie et de l’Église, et nous n’en sommes encore qu’à des entrevues ; aussi compté-je assez sur votre amitié pour ne pas parler de nos espérances…

— Vous êtes bien heureuse, madame la présidente, les mariages se concluent aujourd’hui bien difficilement.

— Que voulez-vous ? C’est un hasard ; mais les mariages se font souvent ainsi.

— Eh bien ! vous mariez donc Cécile ? disait madame Cardot.

— Oui, répondait la présidente en comprenant la malice du donc. Nous étions exigeants, c’est ce qui retardait l’établissement de Cécile. Mais nous trouvons tout : fortune, amabilité, bon caractère, et un joli homme. Ma chère petite fille méritait bien cela d’ailleurs. Monsieur Brunner est un charmant garçon, plein de distinction ; il aime le luxe, il connaît la vie, il est fou de Cécile, il l’aime sincèrement ; et, malgré ses trois ou quatre millions, Cécile l’accepte… Nous n’avions pas de prétentions si élevées, mais… — Les avantages ne gâtent rien…

— Ce n’est pas tant la fortune que l’affection inspirée par ma fille qui nous décide, disait la présidente à madame Lebas. Monsieur Brunner est si pressé, qu’il veut que le mariage se fasse dans les délais légaux.

— C’est un étranger…

— Oui, madame ; mais j’avoue que je suis bien heureuse. Non, ce n’est pas un gendre, c’est un fils que j’aurai. Monsieur Brunner est d’une délicatesse vraiment séduisante. On n’imagine pas l’empressement qu’il a mis à se marier sous le régime dotal… C’est une grande sécurité pour les familles. Il achète pour douze cent mille francs d’herbages qui seront réunis un jour à Marville.

Le lendemain, c’était d’autres variations sur le même thème. Ainsi, monsieur Brunner était un grand seigneur, faisant tout en