Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/470

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lite, et prit une attitude qui dénotait la rêverie plus que froide du calculateur.

— Ma collection ou son prix appartiendra toujours à votre famille, que j’en traite avec notre ami Brunner ou que je la garde, disait Pons en apprenant à la famille étonnée qu’il possédait de si grandes valeurs.

Brunner observa le mouvement qui eut lieu chez tous ces ignorants, en faveur d’un homme qui passait d’un état taxé d’indigence à une fortune, comme il avait observé déjà les gâteries de la mère et du père pour leur Cécile, idole de la maison, et il se plut alors à exciter les surprises et les exclamations de ces dignes bourgeois.

— J’ai dit à mademoiselle que les tableaux de monsieur Pons valaient cette somme pour moi ; mais au prix que les objets d’art uniques ont acquis, personne ne peut prévoir la valeur à laquelle cette collection atteindrait en vente publique. Les soixante tableaux monteraient à un million, j’en ai vu plusieurs de cinquante mille francs.

— Il fait bon être votre héritier, dit l’ancien notaire à Pons.

— Mais mon héritier, c’est ma cousine Cécile, répliqua le bonhomme en persistant dans sa parenté.

Un mouvement d’admiration se manifesta pour le vieux musicien.

— Ce sera une très-riche héritière, dit en riant Cardot qui partit.

On laissa Camusot le père, le président, la présidente, Cécile, Brunner, Berthier et Pons ensemble ; car on présuma que la demande officielle de la main de Cécile allait se faire. En effet, lorsque ces personnes furent seules, Brunner commença par une demande, qui parut d’un bon augure aux parents.

— J’ai cru comprendre, dit Brunner en s’adressant à la présidente, que mademoiselle était fille unique…

— Certainement, répondit-elle avec orgueil.

— Vous n’aurez de difficultés avec personne, répondit le bonhomme Pons pour décider Brunner à formuler sa demande.

Brunner devint soucieux, et un fatal silence amena la froideur la plus étrange. Il semblait que la présidente eût avoué que sa fillette était épileptique. Le président, jugeant que sa fille ne devait pas être là, lui fit un signe que Cécile comprit, elle sortit. Brunner resta muet. On se regarda. La situation devint gênante. Le vieux Camusot, homme d’expérience, emmena l’Allemand dans la chambre de la présidente, sous prétexte de lui montrer l’éventail trouvé par Pons,