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LES PARENTS PAUVRES.

le passe de voustre porte, lui a proupouché chet chent mille francs, et cheulement des tabelausse, fouchtra !

En entendant cette déclaration de Rémonencq, madame Cibot regarda le docteur Poulain d’un air étrange, le diable allumait un feu sinistre dans ses yeux couleur orange.

— Allons ! n’écoutons pas de pareilles fariboles, reprit le médecin assez heureux de savoir que son client pouvait payer toutes les visites qu’il allait faire.

Moncheu le doucteurre, chi ma chère madame Chibot, puiche que le moncheux est au litte, veutte me laicher amenar mon ecchepert, che chuis chûre de trouver l’archant, en deuche heures, quand il s’achirait de chet chent milé franques…

— Bien, mon ami ! répondit le docteur. Allons, madame Cibot, ayez soin de ne jamais contrarier le malade ; il faut vous armer de patience, car tout l’irritera, le fatiguera, même vos attentions pour lui ; attendez-vous à ce qu’il ne trouve rien de bien…

— Il sera joliment difficile, dit la portière.

— Voyons, écoutez-moi bien, reprit le médecin avec autorité. La vie de monsieur Pons est entre les mains de ceux qui le soigneront ; aussi viendrai-je le voir peut-être deux fois, tous les jours. Je commencerai ma tournée par lui…

Le médecin avait soudain passé de l’insouciance profonde où il était sur le sort de ses malades pauvres, à la sollicitude la plus tendre, en reconnaissant la possibilité de cette fortune, d’après le sérieux du spéculateur.

— Il sera soigné comme un roi, répondit madame Cibot avec un factice enthousiasme.

La portière attendit que le médecin eût tourné la rue Charlot avant de reprendre la conversation avec Rémonencq. Le ferrailleur achevait sa pipe, le dos appuyé au chambranle de la porte de sa boutique. Il n’avait pas pris cette position sans dessein, il voulait voir venir à lui la portière.

Cette boutique, jadis occupée par un café, était restée telle que l’Auvergnat l’avait trouvée en la prenant à bail. On lisait encore : CAFÉ DE NORMANDIE, sur le tableau long qui couronne les vitrages de toutes les boutiques modernes. L’Auvergnat avait fait peindre, gratis sans doute, au pinceau et avec une couleur noire par quelque apprenti peintre en bâtiments, dans l’espace qui restait sous CAFÉ