Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/528

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La Cibot accrocha la rampe et roula par les escaliers en faisant mille contorsions et des gémissements si plaintifs, que tous les locataires, effrayés, sortirent sur les paliers de leurs appartements. Schmucke soutenait la malade en versant des larmes, et il expliquait le dévouement de la portière. Toute la maison, tout le quartier surent bientôt le trait sublime de madame Cibot, qui s’était donné un effort mortel, disait-on, en enlevant un des Casse-noisettes dans ses bras. Schmucke, revenu près de Pons, lui révéla l’état affreux de leur factotum, et tous deux ils se regardèrent en disant : Qu’allons-nous devenir sans elle ?… Schmucke, en voyant le changement produit chez Pons par son escapade, n’osa pas le gronder.

Vichis pric-à-prac ! c’haimerais mieux les priler que de bertre mon ami ! … s’écria-t-il en apprenant de Pons la cause de l’accident. Se tevier de montam Zibod, qui nous brede ses igonomies ! C’esdre bas pien ; mais c’est la malatie

— Ah ! quelle maladie ! Je suis changé, je le sens, dit Pons. Je ne voudrais pas te faire souffrir, mon bon Schmucke.

Cronte-moi ! dit Schmucke, et laisse montam Zibod dranquille

Le docteur Poulain fit disparaître en quelques jours l’infirmité dont se disait menacée madame Cibot, et sa réputation reçut dans le quartier du Marais un lustre extraordinaire de cette guérison, qui tenait du miracle. Il attribua chez Pons ce succès à l’excellente constitution de la malade, qui reprit son service auprès de ses deux messieurs le septième jour à leur grande satisfaction. Cet événement augmenta de cent pour cent l’influence, la tyrannie de la portière sur le ménage des deux Casse-noisettes, qui, pendant cette semaine, s’étaient endettés, mais dont les dettes furent payées par elle. La Cibot profita de la circonstance pour obtenir (et avec quelle facilité !) de Schmucke une reconnaissance des deux mille francs qu’elle disait avoir prêtés aux deux amis.

— Ah ! quel médecin que monsieur Poulain ! dit la Cibot à Pons. Il vous sauvera, mon cher monsieur, car il m’a tirée du cercueil ! Mon pauvre Cibot me regardait comme morte !… Eh bien ! monsieur Poulain a dû vous le dire, pendant que j’étais sur mon lit, je ne pensais qu’à vous. « Mon Dieu, que je disais, prenez-moi, et laissez vivre mon cher monsieur Pons… »