Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/565

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quante-trois tableaux au lieu de soixante-sept, personne n’en saura le compte ! D’ailleurs, si monsieur Pons en a vendu de son vivant, on n’a rien à dire.

— Oui, reprit Rémonencq, pour moi ça m’est égal, mais monsieur Élie Magus voudra des quittances bien en règle.

— Vous aurez aussi votre quittance, pardine ! Croyez-vous que ce sera moi qui vous écrirai cela !… Ce sera monsieur Schmucke ! mais vous direz à votre Juif, reprit la portière, qu’il soit aussi discret que vous.

— Nous serons muets comme des poissons. C’est dans notre état. Moi je sais lire, mais je ne sais pas écrire, voilà pourquoi j’ai besoin d’une femme instruite et capable comme vous !… Moi qui n’ai jamais pensé qu’à gagner du pain pour mes vieux jours, je voudrais des petits Rémonencq… Laissez-moi là votre Cibot.

— Mais voilà votre Juif, dit la portière, nous pouvons arranger les affaires.

— Eh bien ! ma chère dame, dit Élie Magus qui venait tous les trois jours de très grand matin savoir quand il pourrait acheter ses tableaux. Où en sommes-nous ?

— N’avez-vous personne qui vous ait parlé de monsieur Pons et de ses biblots ? lui demanda la Cibot.

— J’ai reçu, répondit Élie Magus, une lettre d’un avocat ; mais comme c’est un drôle qui me paraît être un petit coureur d’affaires, et que je me défie de ces gens-là, je n’ai rien répondu. Au bout de trois jours, il est venu me voir, et il a laissé une carte, j’ai dit à mon concierge que je serais toujours absent quand il viendrait…

— Vous êtes un amour de Juif, dit la Cibot à qui la prudence d’Élie Magus était peu connue. Eh bien ! mes fistons, d’ici à quelques jours, j’amènerai monsieur Schmucke à vous vendre sept ou huit tableaux, dix au plus ; mais à deux conditions : la première, un secret absolu. Ce sera monsieur Schmucke qui vous aura fait venir, pas vrai, monsieur ? ce sera monsieur Rémonencq qui vous aura proposé à monsieur Schmucke pour acquéreur. Enfin, quoi qu’il en soit, je n’y serai pour rien. Vous donnez quarante-six mille francs des quatre tableaux ?

— Soit, répondit le Juif en soupirant.

— Très bien, reprit la portière. La deuxième condition est que vous m’en remettrez quarante-trois mille, et que vous ne les achèterez que trois mille à monsieur Schmucke ; Rémonencq en