Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/580

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le savez. Parler, ça vous irrite… Et pourquoi vous emporter ? C’est vous qui avez tous les torts vous m’asticotez toujours ! Voyons, raisonnons ! Si monsieur Schmucke et moi, qui vous aime comme mes petits boyaux, nous avons cru bien faire ! Eh bien ! mon chérubin, c’est bien allez.

— Schmucke n’a pas pu vous dire d’aller au théâtre sans me consulter…

— Faut-il l’éveiller, ce pauvre cher homme qui dort comme un bienheureux, et l’appeler en témoignage !

— Non ! non ! s’écria Pons. Si mon bon et tendre Schmucke a pris cette résolution, je suis peut-être plus mal que je ne le crois, dit Pons en jetant un regard plein d’une horrible mélancolie sur les objets d’art qui décoraient sa chambre. Il faudra dire adieu à mes chers tableaux, à toutes ces choses dont je m’étais fait des amis. Et mon divin Schmucke ! — oh ! serait-ce vrai ?

La Cibot, cette atroce comédienne, se mit son mouchoir sur les yeux. Cette muette réponse fit tomber le malade dans une sombre rêverie. Abattu par ces deux coups portés dans des endroits si sensibles, la vie sociale et la santé, la perte de son état et la perspective de la mort, il s’affaissa tant, qu’il n’eut plus la force de se mettre en colère. Et il resta morne comme un poitrinaire après son agonie.

— Voyez-vous, dans l’intérêt de monsieur Schmucke, dit la Cibot en voyant sa victime tout à fait matée, vous feriez bien d’envoyez chercher le notaire du quartier, monsieur Trognon, un bien brave homme.

— Vous me parlez toujours de ce Trognon… dit le malade.

— Ah ! ça m’est bien égal, lui ou un autre, pour ce que vous me donnerez !

Et elle hocha la tête en signe de mépris des richesses. Le silence se rétablit.

En ce moment, Schmucke, qui dormait depuis plus de six heures, réveillé par la faim, se leva, vint dans la chambre de Pons, et le contempla pendant quelques instants sans mot dire, car madame Cibot s’était mis un doigt sur les lèvres en faisant : — Chut !

Puis elle se leva, s’approcha de l’Allemand pour lui parler à l’oreille, et lui dit : — Dieu merci ! le voilà qui va s’endormir, il est méchant comme un âne rouge !… Que voulez-vous ! il se défend contre la maladie…