Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/614

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— C’est la ruine ! se dit Fraisier, la ruine de toutes mes espérances ! Ah ! je commence à croire tout ce que la présidente m’a dit de la malice de ce vieux artiste !…

— Eh bien ? vint demander la Cibot.

— Votre monsieur est un monstre, il donne tout au Musée, à l’État. Or, on ne peut plaider contre l’État !… Le testament est inattaquable. Nous sommes volés, ruinés, dépouillés, assassinés !…

— Que m’a-t-il donné ?…

— Deux cents francs de rente viagère…

— La belle poussée !… Mais c’est un gredin fini !…

— Allez voir, dit Fraisier, je vais remettre le testament de votre gredin dans l’enveloppe.

Dès que madame Cibot eut le dos tourné, Fraisier substitua vivement une feuille de papier blanc au testament, qu’il mit dans sa poche ; puis il recacheta l’enveloppe avec tant de talent qu’il montra le cachet à madame Cibot quand elle revint, en lui demandant si elle pouvait y apercevoir la moindre trace de l’opération. La Cibot prit l’enveloppe, la palpa, la sentit pleine, et soupira profondément. Elle avait espéré que Fraisier aurait brûlé lui-même cette fatale pièce.

— Eh bien ! que faire, mon cher monsieur Fraisier ? demanda-t-elle.

— Ah ! ça vous regarde ! Moi, je ne suis pas héritier, mais si j’avais les moindres droits à cela, dit-il en montrant la collection, je sais bien comment je ferais…

— C’est ce que je vous demande… dit assez niaisement la Cibot.

— Il y a du feu dans la cheminée… répliqua-t-il en se levant pour s’en aller.

— Au fait, il n’y a que vous et moi qui saurons cela !… dit la Cibot.

— On ne peut jamais prouver qu’un testament a existé ! reprit l’homme de loi.

— Et vous ?

— Moi ?… Si monsieur Pons meurt sans testament, je vous assure cent mille francs.

— Ah ! ben oui ! dit-elle, on vous promet des monts d’or, et quand on tient les choses, qu’il s’agit de payer, on vous carotte comme…