Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/652

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paix un ruban de fil sur chaque vantail des portes, quand elles sont à deux vantaux, ou à sceller l’ouverture des armoires ou des portes simples en cachetant les deux lèvres de la paroi.

— Passons à cette chambre, dit Fraisier en désignant la chambre de Schmucke dont la porte donnait dans la salle à manger.

— Mais c’est la chambre à monsieur ! dit la Sauvage en s’élançant et se mettant entre la porte et les gens de justice.

— Voici le bail de l’appartement, dit l’affreux Fraisier, nous l’avons trouvé dans les papiers, et il n’est pas au nom de messieurs Pons et Schmucke, il est au nom seul de monsieur Pons. Cet appartement tout entier appartient à la succession, et… d’ailleurs, dit-il en ouvrant la porte de la chambre de Schmucke, tenez, monsieur le juge de paix, elle est pleine de tableaux.

— En effet, dit le juge de paix qui donna sur-le-champ gain de cause à Fraisier.

— Attendez, messieurs, dit Villemot. Pensez-vous que vous allez mettre à la porte le légataire universel, dont jusqu’à présent la qualité n’est pas contestée ?

— Si ! si ! dit Fraisier ; nous nous opposons à la délivrance du legs.

— Et sous quel prétexte ?

— Vous le saurez, mon petit ! dit railleusement Fraisier. En ce moment, nous ne nous opposons pas à ce que le légataire retire ce qu’il déclarera être à lui dans cette chambre ; mais elle sera mise sous les scellés. Et Monsieur ira se loger où bon lui semblera.

— Non, dit Villemot, Monsieur restera dans sa chambre !…

— Et comment ?

— Je vais vous assigner en référé, reprit Villemot, pour voir dire que nous sommes locataires par moitié de cet appartement, et vous ne nous en chasserez pas… Otez les tableaux, distinguez ce qui est au défunt, ce qui est à mon client, mais mon client y restera… mon petit !…

Che m’en irai ! dit le vieux musicien qui retrouva de l’énergie en écoutant cet affreux débat

— Vous ferez mieux ! dit Fraisier. Ce parti vous épargnera des frais, car vous ne gagneriez pas l’incident. Le bail est formel…

— Le bail ! le bail ! dit Villemot, c’est une question de bonne foi !…

— Elle ne se prouvera pas, comme dans les affaires criminelles,