Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
CONTES DRÔLATIQUES.

chairs et flasquositez du tout. Ores, la vieille fille, qui estoyt tout yeulx et suivoyt les grans et notables changemens qui se faisoyent en la personne de ce mal pendu, print le barbier par la manche, et, luy montrant le piteux caz, par une œillade curieuse, luy dict : — Est-ce que doresenavant il sera ainsy ?

— En dà ! bien souvent, respondit le véridicque chirurgien.

— Oh ! il estoyt bien plus gentil, pendu.

A ceste parole le Roy s’esclata de rire. Le voyant par la croisée la fille et le chirurgien eurent grant paour, veu que ce rire leur sembloyt ung second arrest de mort pour leur paouvre pendu. Mais le Roy tint parole et les maria. Puis, pour que iustice feust, il donna le nom de sieur de Mortsauf à l’espoux, en lieu et place de celluy qu’il avoyt perdu dessus l’eschaffauld. Comme la Godegrand avoyt une trez ample pannerée d’escuz, ils feirent une bonne famille de Touraine, laquelle subsiste encores en grant honneur, veu que M. de Mortsauf servit très fidellement Loys unze en diverses occurrences. Seulement, il n’aimoyt à rencontrer ni potences, ni vieilles femmes, et iamais plus ne voulut recepvoir d’assignations amoureuses pour la nuict.

Cecy nous apprend à bien vérifier et recognoistre les femmes, et ne point nous tromper sur la différence locale qui existe entre les vieilles et les ieunes, veu que, si nous ne sommes pas pendus pour nos erreurs d’amour, il y ha toujours quelques larges risques à courir.