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LE FRÈRE D’ARMES.

lière par de gentilles mignardises, comme pour dire : — Cecy est ton bien !

Au souper, Lavallière annonça son partement pour la guerre. Maillé feut bien marry de ceste griefve résolution, et vouloyt suivre son frère ; mais Lavallière le refusa tout net.

— Madame, feit-il à Marie d’Annebault, ie vous ayme plus que la vie, mais non plus que l’honneur.

Et il paslit en ce disant, et madame de Maillé paslit en l’escoutant, pour ce que iamais, dans leurs ieux de la petite oie, il n’y avoyt eu autant d’amour vray que dans ceste parole. Maillé voulut tenir compaignie à son amy iusques à Meaulx. Quand il revint, il délibéroyt avecques sa femme les raisons incogneues et causes absconses de ceste departie, lorsque Marie, qui se doubtoyt des chagrins du paouvre Lavallière, dit : — Ie le sçays, c’est qu’il est trop honteux icy, pour ce que ung chascun cognoyt qu’il ha le mal de Naples.

— Luy ! feit Maillé tout estonné. Ie l’ay veu, quand nous nous couchiasmes à Bondy, l’autre soir, et hier à Meaulx. Il n’en est rien ! Il est sain comme vostre œil.

La dame se fondit en eaue, admirant ceste grant loyauté, ceste sublime résignation en sa parole, et les haultes souffrances de ceste passion intérieure. Mais, comme elle aussy guarda son amour au fund de son cueur, elle mourut quand mourut Lavallière devant Metz, comme l’ha dict ailleurs messire Bourdeilles de Brantosme en ses cacquetaiges.




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