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LE CHASTEAU D’AZAY.

aucune expertise, combien douce et ieune estoyt la peau de ce bon petit homme si dru prometteur de liesse. Ce que ung chascun, gens et femmes s’esbahirent de veoir faire à la Régente. Mais l’humanité ne messied jamais aux personnes royales. Iacques se dressa, feit le desconnu, mercia trez-humblement la Régente et congédia le physician, maistre myre et aultres diables noirs, se disant revenu du coup. Puis se nomma et voulut s’évader, en saluant madame de Beauieu, comme ayant paour d’elle à cause de la disgraace où estoyt son père, mais sans doubte effrayé de son horrificque vœu.

— Ie ne sçauroys permettre, feit-elle. Les gens qui viennent en mon logiz ne doibvent point y recepvoir ce que vous avez receu.

Le sieur de Beaune soupera céans, dit-elle à son maistre de l’hostel. Cil qui le ha induement congné sera à sa discrétion, s’il se fait incontinent cognoistre ; sinon, ie le fais rechercher et branchier par le prevost de l’hostel.

Entendant ce, le paige qui avoyt suivy la dame à la pourmenade s’advança.

— Ma dame, feit Iacques, qu’il luy soit accordé à ma prière et pardon et guerdon, veu que à luy doibs-je l’heur de vous veoir, la faveur de souper en vostre compaignie et peut-estre celle de faire restablir mon père en la charge que il ha plu à vostre glorieux père luy commettre.

— Bien dict, repartit la Régente. D’Estouville, feit-elle en se revirant devers le paige, ie te baille une compaignie d’archers. Mais à l’advenir ne gecte plus rien par les fenestres.

Puis la Régente, affriandée dudict Beaune, luy tendit la main, et il la mena fort guallamment dedans sa chambre, où ils devisèrent trez-bien en attendant l’apprest du souper. Là, point ne faillit le sieur Iacques à desbagouler son sçavoir, iustifier son père et se bien seoir en l’esprit de la dicte dame, laquelle, comme ung chascun sçayt, practiquoyt bien l’estat de son père et menoyt