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LE DANGIER D’ESTRE TROP COCQUEBIN.

amy du sieur de Moncontour. Brief, se parachevèrent les festins, dances et festoyemens de toute sorte iusques au matin. Mais, par avant les coups de minuict, les filles de nopces allèrent couchier la mariée, selon la fasson de Touraine. Et, pendant ce, feit-on mille noises au paouvre cocquebin pour l’entraver de aller à sa cocquebine, lequel s’y presta fort, par ignardise. Cependant le bon sieur de Moncontour arresta les iocqueteurs et drosleries, pour ce que besoing estoyt que son fils s’occupast de bien faire. Doncques alla le cocquebin en la chambre de son espouzée, laquelle il estimoyt plus belle que ne l’estoyent les vierges Maries painctes ez tableaux italians, flamands et aultres, aux pieds desquels il avoyt dict ses patenostres. Mais comptez que bien empesché se trouvoyt-il d’estre devenu sitost ung espoux, pour ce que rien ne sçavoyt de la besongne, fors que une certaine besongne estoyt à despescher, de laquelle par grant et pudicque estrif, il n’avoyt osé s’informer, mesmes à son père qui luy dit sommairement :

— Tu sçays ce que tu has à faire, et vas-y vaillamment.

Lors veit la gente fille qui luy estoyt baillée, bien couchiée ez toiles de lict, curieuse en diable, la teste de costé, mais qui couloyt ung resguard picquant comme une pointe de hallebarde, et se disoyt :

— Ie doibs luy obéir.

Et ne saichant rien, attendoyt le vouloir de ce gentilhomme, ung peu ecclésiasticque, auquel, de faict, elle appartenoyt. Ce que voyant, le chevalier de Moncontour vint auprès du lict, se gratta l’aureille, et s’y agenouilla, chose à quoy il estoyt expert.

— Avez-vous dict vos prières ? feit-il trez-patepeluement.

— Non, feit-elle, ie les ay oubliées. Soubhaitez-vous les dire ?

Doncques, les deux mariez commencèrent les chouses du mesnaige par implorer Dieu, ce qui n’estoyt point malséant. Mais, par cas fortuit, le diable ouyt et respondit seul cette requeste, Dieu s’occupant lors de la nouvelle et abominable religion réformée.

— Que ha-t-on commandé à vous ? dit le mary.

— De vous aymer, dit-elle en toute naïfveté.

— Cecy ne m’ha point esté prescript, mais ie vous ayme, et i’en ay honte, mieux que ie n’aymoys Dieu.

Ceste parole n’effarouchia point trop la mariée.