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CONTES DRÔLATIQUES.

tées de pois pilez, iolies petites boëtes de coingtinact d’Orléans, muyds de lamproye, bussards de saulce verde, gibier de rivière : comme francolys, tyransons, tadournes, pouacres, phénicoptères conservez au sel marin, raisins cuits, langues fumées en la manière inventée par Happe-Mousche, son célèbre ayeul ; puis des sucreries pour Gargamelle aux bons iours ; enfin mille aultres chouses dont le détail se lit au recueil des lois Ripuaires et dedans aulcuns feuillets saultez des Capitulaires, Pragmatiques, Establissemens royaulx, Ordonnances et Institutions du temps. Brief, le bonhomme mettant ses bezicles en son nez ou son nez en ses bezicles, se mit à quérir ung beau dragon volant ou licorne, auquel pust estre commis en guarde ce thrézor prétieulx. Et, en ce grave pensier, se pourmena en ses iardins. Point ne voulut d’ung Cocquesigrue, pour ce que les Ægyptiens s’en estoyent mal treuvez, ainsy qu’il appert des Hieroglyphes. Il rebuffa les cohortes de Caucquemarres, veu que les empereurs s’en desgoustèrent, et aussy les Romains, au rapport de ce sournoys qui ha nom Tacite. Puis regecta les Pichrocholiers unis en sénat ; les pellées de Mages, pannerées de Druides, la légion de Papimanie et les Massoretz, lesquels poulsoyent comme chiendens et envahissoyent tous les terrains, comme luy avoyt esté dict par son fils Pantagruel au retourner de son voyaige. Ores, le bon homme, gaulant en Gauloys les anticques histoires, n’avoyt nulle fiance à aulcune race, et, s’il eust esté loysible, en auroyt impétré une quasi neufve du Créateur de toutes chouses ; mais n’ozant le rebattre de ses miesvreries, paouvre Gargantua ne sçavoyt qui eslire, et se doutoyt d’estre empesché de tant de biens, alors que rencontra en son chemin une petite gentille Muzaraigne de la noble race des muzaraignes, lesquels portent en ung champ d’azur tout de gueules. Ventre Mahom ! comptez que ce estoyt ung beau masle, lequel avoyt la plus belle queue de sa famille, et se pavanoyt au soleil en brave muzaraigne de Dieu, fier d’estre en ce monde depuis le renouveau du déluge, suivant lettres patentes d’incontestable noblesse registrées au parlement universel, veu qu’il conste, au verbal œcumenicque, une muzaraigne estre en l’arche de Noë.

Là, maistre Alcofribas soubzleva ung petit son bonnet et dit religieusement : « Noë, mes seigneurs, lequel planta les vignes, et premier eut l’heur de se saouler de vin ».

Car, pour seur, une muzaraigne estoyt en la nauf, reprint-il,