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LE IOYEULX CURÉ DE MEUDON.

trez bien du bec en se plaignant avecques amour et faisant mille de ces minauderies dont une seule suffict à perdre l’âme des bestes, et dit au muzaraigne que il perdoyt le temps prétieux à leur amour pour aller battre l’estrade et veiller à sa charge ; que tousiours il estoyt par voyes et par chemins, et que elle n’en iouissoyt iamais son quotient ; que alors que elle avoyt envie de luy, il estoyt à cheval sur les gouttières, chassant les chats ; et que elle le vouloyt tousiours prest comme une lance et gentil comme ung oyseau. Puis elle s’arracha de douleur ung poil gris, se cuydant la plus malheureuse souriz qui feust au monde, et ploura. Là-dessus, le muzaraigne luy remonstra que elle estoyt maistresse de tout, et voulsit regimber ; mais, après une averse de pleurs que lascha la dame, il implora une tresve et s’enquit de ses dezirs. Lors se seichèrent tost les larmes ; et, en luy donnant sa patte à baiser, la souriz luy conseilla d’armer des souldards, de bons rats esprouvez, anciens condottieri, gens seurs, qui feroyent les rondes et les guettes. Tout feut lors saigement ordonné. Le muzaraigne eut le reste du iour à baller, dancer, baudouiner ; entendre les rondeaulx et ballades que luy composèrent les poètes, iouer du luth, de la mandore, faire des acrostiches, fester le pot et mangier. Ung iour, sa maistresse, relevant de ses couches après avoir pondu le plus ioly muzaraigne souricquoizé, ou la plus iolie souriz muzaraignée, ie ne sçays de quel nom feut appelé ce produict d’alquémie amoureuse, que bien vous pensez les chats fourrés légitimèrent (le connestable de Montmorency, lequel avoyt marié son fils avecques une bastarde légitimée du dict seigneur