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LE SUCCUBE.

ponneroyt ung sainct et luy feroyt renier Dieu ! Mon fils ! mon fils ! Où est, à ceste heure, la fleur de ma vie, fleur coupée par cet estuy féminin comme par ciseaulx ! Ha, seigneur, pourquoy m’avoir appelé ? Qui me rendra mon fils, dont l’ame ha esté absorbée par ung ventre qui donne la mort à tous et la vie à aulcun ? Le diable seul fraye et n’engendre point. Cecy est mon tesmoingnaige, que ie prie maistre Tournebousche d’escribre sans omettre ung iota, puis m’en bailler cédule pour que ie le dise à Dieu tous les soirs en mes prières en ceste fin de tousiours faire crier à ses aureilles le sang de l’innocence et obtenir de sa miséricorde infinie le pardon de mon fils.


Suyvent vingt et sept aultres dires dont la transcription, en leur vraye objectivité et en toutes leurs qualités d’espace, seroyt prou fastidieuse, tireroyt moult en longueur et divertiroyt le fil de ce curieux pourchaz ; histoire qui, selon les préceptes anticques, doit aller droict au faict comme ung taureau en son office principal. Et doncques, vécy, en peu de mots, la mouelle de ces tesmoingnaiges :


Par ung grant nombre de bons chrestiens, bourgeoys, bourgeoyses, habitans de la noble ville de Tours, feut dict : ce démon avoir faict tous les iours nopces et festins royaulx ; ne iamais avoir esté veue en aulcune ecclise ; avoir mauldict Dieu ; s’estre mocquée de ses prebstres, ne s’estre signée en aulcun lieu ; parler tous les languaiges de la terre, ce qui ne ha esté octroyé par Dieu qu’aux saincts Apostres ; avoir esté maintes fois rencontrée par les champs, montée sur ung animal incogneu, le-