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CONTES DROLATIQUES.

deffault ; mais une eaue limpide mise en ses yeulx par le Modérateur de toute chouse tempéroyt ceste grant ardeur, sans quoy il eust tout bruslé. Estoyt-ce point un fier morceau d’homme ?

Sur l’eschantillon de ses vertus cardinales, aulcuns persevereront à s’enquerir pourquoy le bon orphebvre estoyt demouré garson comme une huistre, veu que ces propriétez de nature sont de bel usaige en tous lieux. Mais ces opiniastres criticques sçavent-ils ce que est d’aymer ? Ho ! ho ! Foing ! Le mestier d’ung amoureux est d’aller, venir, escouter, guetter, se taire, parler, se blottir, se faire grant, se faire petit, se faire rien du tout ; agréer, musicquer, pastir, querir le diable où il est, compter des pois gris sur ung volet, treuver des fleurs soubz la neige, dire des patenostres à la lune, caresser le chat et le chien du logiz, saluer les amys, flatter la goutte ou la catarrhe de la tante, et luy dire en temps opportun : « Vous avez bon visaige et fairez l’épitaphe du genre humain. » Puis flairer ce qui plaist à tous les parens, ne marcher sur les pieds de personne, ne point casser les verres, ferrer des cigales, laver des bricques, dire des riens, tenir de la glace en sa main, s’esbahir des afficquets, s’escrier : « Cecy est bien ! » ou : « Vrayment, madame, vous estes bien belle ainsy. » Et varier cela de cent mille fassons. Puis se fraizer, s’empoiser comme ung seigneur, avoir la langue leste et saige, endurer en riant tous les maulx que faict le diable, enterrer