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CONTES DRÔLATIQUES.

cousine que elle se estoyt accoustumée se desvestir seulette du depuys que elle n’estoyt plus servie par son bien-aymé, lequel l’avoyt mise en desgout des mains féminines par ses souefves fassons ; que ces préparatives luy ramentevoyent les délicieuses paroles que luy disoyt son amy et toutes ses follies en la mettant à nud, ce qui luy faisoyt venir l’eaue à la bouche, à son dam. Cettuy discours estomira moult la dame Berthe, qui laissa sa cousine faire ses oremus et aultres pour la nuict, soubz les courtines du lict, dedans lequel mon dict sieur, enflammé de hault dezir, se mussa tost, en grant haste, bien heureux de pouvoir guetter au passaige les beaultez merveilleuses de la chastelaine qui n’estoyt point guastée. Berthe, en sa foy d’estre avecques une fille damée, ne faillit point à aulcune de ses accoustumances ; elle se lava les pieds, sans se soulcier de les lever peu ou prou, monstra ses espaules mignonnes et feit ainsy que font les dames alors que elles se couchent. En fin de tout, vint au lict, et s’y estendit de la bonne fasson en baisant sa cousine ez lèvres, que elle treuva trez chauldes.

— Auriez-vous doncques mal, Sylvie, que vous ardez si fort ? dit-elle.

— Ie brusle tousiours ainsy, alors que ie me couche, respondit-elle, pour ce que en ceste heure m’adviennent en la mémoire les gentilles mignonneries que il inventoyt pour me faire plaisir qui me brusloyent encore davantaige.

— Ha cousine, racontez ce que est de ce il. Dictes le bon de l’amour à moy qui vis soubz l’umbre d’une teste chenue de laquelle les neiges me guardent contre telles ardeurs. Dictes, vous qui en estes guarrie. Ce me sera de bon castoyement, et par ainsy vos meschiefs auront à deux paouvres muliebres natures esté de salutaires advis.

— Ie ne sçays si ie doibs vous obéir, belle cousine, feit le compaignon.

— Dictes pourquoy non.

— Ha ! vault mieulx le faire que le dire ! feit-elle en laschant ung sospir gros comme ung ut des orgues. Puis i’ay paour que ce mylourd m’ayt tant encombrée de ioye, que ie n’en boute ung brin à vous, ce qui seroyt suffisant à vous bailler une fille, veu que ce qui faict enfans se seroyt affoibly en moy.

— Vère, feit Berthe, entre nous, seroyt-ce péché ?

— Il y auroyt bien, au contraire, feste icy et dans le ciel ; les