Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/561

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
533
BERTHE LA REPENTIE.

deshouzant son saulveur, recogneut le fils de Iehan, lequel expira iuz la table, en baisant sa mère par ung darrenier effort, et luy dit à haulte voix : « Ma mère, nous sommes quittes envers luy ! » Oyant ceste parole, la mère accolla le corps de son enfant d’amour et s’y conioingnit pour ung iamais, veu que elle trespassa de douleur sans avoir cure ne soulcy du pardon et repentance du Bastarnay.

Ce meschief estrange advança tant le darrenier iour du paouvre sire, que il ne veit point l’advènement du bon sire Loys le unziesme. Il funda une messe quotidienne à l’ecclise de la Roche-Foucauld, en laquelle il plaça dedans la mesme tumbe le fils et la mère avecques ung grant tumbeau escript en latin, où leur vie est moult honorée.

Les moralitez que ung chascun peut sugcer de ceste histoire sont moult prouffictables pour le train de la vie, veu que cecy demonstre combien les gentilshommes doibvent estre cortoys avecques les bien aymez de leurs femmes. D’abundant, cecy nous enseigne que tous enfans sont des biens envoyez par Dieu mesme et sur lesquels les pères, faulx ou vrays, ne sçauroyent avoir droict de meurtre, comme iadis à Rome par une loy payenne et abominable, laquelle ne sied point à la chrestienté, où nous sommes tous fils de Dieu.