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CONTES DROLATIQUES.

paslissoyt ; de faict, ces beaulx fruicts d’amour se produisoyent sans plys au-dessus de son corselet, comme deux grosses pommes, et faisoyent venir l’eaue en la bouche, tant mignons ils estoyent. Ceste noble dame, qui estoyt de celles qui font que ung chascun se sent masle à les veoir, se plaça sur les lèvres ung soubriz pour le bon homme. Le Vieulx-par-chemins, vestu d’un sayon de grosse toile, plus seur d’estre en posteure de viol après la pendaison que paravant, venoyt entre les gens de iustice, trez tristifié, gectant l’œil de cy, de là, sans veoir aultre chouse que des coëffes ; et auroyt, disoyt-il, donné cent escuz d’une fille troussée comme estoyt la vachière de laquelle il se remembroyt les bonnes grosses blanches columnes de Vénus qui l’avoyent perdu, et pouvoyent encores le saulver ; mais, comme il estoyt vieulx, la remembrance n’estoyt point fresche assez. Ores, quand au rez de l’eschelle il veit les deux mignotises de la dame et le ioly delta que produisoyent leurs confluentes rondeurs, son maistre Iean Chouart feut en ung tel estat de raige, que le sayon parla trez apertement par ung soublevement maieur.

— Et doncques, vérifiez tost, feit-il aux gens de iustice, i’ay gaigné ma graace, ains ie ne responds point du drolle.

La dame feut trez aise de cet hommaige, que elle dit estre plus fort que le viol. Les sergens qui avoyent charge de soublever l’estoffe cuydèrent cettuy vieulx estre le diable, pour ce que oncques en leurs escriptures ne s’estoyt rencontré ung I autant droict que se treuvoyt le dressoir du bon homme. Aussy feut-il pourmené triumphalement par la ville iusques en l’hostel du duc, auquel les sergens et aultres tesmoingnèrent du faict. En cettuy temps d’ignorance, ceste instrumentation iudiciaire feut prinse en si grant honneur, que la ville vota l’érection d’ung pilier en l’endroict où le bon homme avoyt gaigné sa graace, et il y feut pourtraict en pierre, comme il estoyt à la veue de ceste honneste et vertueuse dame. La statue se voyoyt encores au temps où la cité de Rouen feut prinse par les Angloys, et les autheurs du temps escripvirent tous ceste histoire parmi les chouses notables du règne.

Sur ce que il feut offert par la ville de fournir des garses au bon homme, de veigler à son vivre, vestement et couvert, le bon duc y mit ordre en baillant à la despucellée ung millier d’escuz et la mariant au bonhomme, lequel y perdit son nom de Vieulx-par-