Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un raisonnement dont il faut se défier. La Providence souvent, pour nous punir d’avoir réussi quand nous ne poursuivions pas un but bien avouable, nous fait quelquefois échouer, quand, logiquement, nous devions compter sur son appui.

— Je suis, en effet, un grand coupable, dit Vautrin avec une componction vraie, et jusqu’ici j’ai été châtié bien doucement ; pourtant, depuis longues années, ma vie est droite, et j’ai rendu quelques services à la cause de l’ordre et des lois. D’ailleurs, monsieur, devant Dieu, un père qui défend son fils doit trouver quelque faveur.

— Ne faisons pas à Dieu de devoirs, dit Bricheteau, et tâchons, nous, de faire le nôtre ; en toute chose qui sera de lutte énergique et loyale, vous pouvez disposer de moi.

— J’y compte, monsieur, dit Vautrin en se levant pour sortir ; mais aussitôt que vous aurez quelques nouvelles de mon fils, je puis espérer, n’est-ce pas, que vous me les communiquerez ?

— Avec empressement, répondit Bricheteau ; seulement nos rapports, je pense, doivent rester secrets, et je vous laisse le soin de les organiser de la manière qui conviendra le mieux.

Vautrin promit à son collaborateur de lui faire connaître au premier moment un moyen sûr de se voir et de s’écrire, le besoin échéant ; ensuite il reprit la route de Paris.

En rentrant chez lui, M. de Saint-Estève trouva sous enveloppe, avec la suscription très pressé, un rapport à lui adressé par un de ses agents. Ce rapport était conçu comme il suit :


« Paris, 27 octobre 1840.

» Le prussien Schirmer, que M. le chef de la police de sûreté a manqué lui-même l’an dernier à Saint-Sulpice, et qui paraît avoir à cette époque quitté Paris, y est de retour depuis quelques mois.

» Portant aujourd’hui toute sa barbe, je n’ai pas été sûr de le reconnaître, quand je l’ai rencontré, il y a environ six semaines ; pourquoi je n’en ai pas voulu par-