Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/121

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La police, depuis votre retour, est sur vos traces, et la preuve qu’elle s’est utilement mise en quête, c’est qu’elle vous sait, non seulement occupé à la confection de faux billets des banques étrangères, mais encore filant le parfait amour avec la charmante personne sur le nom de laquelle vous avez tiré pour moi vos verrous.

Pendant que Vautrin parlait, il remarqua que les yeux du jeune homme se tournaient du côté d’une commode dont le tiroir était entr’ouvert ; quelque apprenti dans les œuvres de police se serait figuré que dans ce meuble étaient déposées les pièces de conviction demandées ; mais un homme expérimenté comme Vautrin ne s’y trompa pas. Allant à ce tiroir qu’il ferma violemment :

— Mon petit monsieur, dit-il, l’idée d’une résistance est tout à fait inutile. Si vous avez des armes, j’en ai aussi.

Et, en parlant ainsi, il tirait de sa poche deux pistolets, dits coups-de-poing, et en prit un de chaque main.

Pendant qu’il faisait ce mouvement, le jeune blondin en avait fait un autre. Il s’était élancé vers la porte, l’avait brusquement ouverte, et était presqu’aux trois quarts dehors, quand la main de fer de Vautrin, le retenant par la basque d’une veste de chasse qu’il portait, le força à se réintégrer dans la chambre.

— Voyons, jeune homme, dit Vautrin ; mon intention était que les choses se passassent en douceur ; vous allez me forcer à faire un esclandre. La maison est cernée, et vous ne sauriez pas faire un pas dans la rue sans tomber aux mains de mes agents qui ne vous traiteraient pas, eux, avec les égards que j’entends y mettre. Votre tentative d’évasion en dit plus sur votre culpabilité que toutes les pièces de conviction du monde. Finissons-en. Remettez-moi tous les objets en question, ou je fais monter mon monde. Vous sera-t-il agréable qu’après vous avoir mis les menottes, on fouille en votre présence tous les recoins de votre chambre !

Le prisonnier ne répondant rien et continuant de jeter autour de lui des regards désespérés :

— Jeune comme vous l’êtes, reprit Vautrin, vous devez encore avoir une mère ?

Les yeux de l’étranger se remplirent de larmes.

— À cause d’elle, continua M. Saint-Estève, je veux