Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/134

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long avenir, et qu’il y aurait maladresse à s’engager pour quatre ans encore avec un homme de l’opposition qui, ne pouvant rien obtenir du pouvoir, ne leur offrirait pas au moins le dédommagement de son illustration.

» Vous me demandez, mon cher ami, quelle impression a produite dans le public votre brusque retraite ? D’abord, par votre parti elle n’a pas été vue de très bon œil ; vous avez été accusé d’égoïsme et d’insouciance politique, sans cependant que l’on ait été jusqu’à insinuer un marché de conscience. Ailleurs, on a prétendu que l’idée assez généralement répandue de l’inaptitude des hommes d’imagination aux affaires, recevait en votre personne une éclatante justification : Voyez, s’est-on dit, à peine a-t-il pu rester un an dans une même situation ! Les uns pensent que vous êtes parti pour un voyage ayant un but artistique, d’autres que vous êtes allé rejoindre la Luigia. Après cela, je vous parle déjà bien au passé, car vous savez ce que c’est que Paris, et comme on y oublie vite les acteurs qui descendent de la scène. Aujourd’hui il n’est presque plus question de vous ; d’autres événements ont passé comme des vagues sur votre tête et ont en quelque façon submergé votre souvenir.

» Entre ces événements, il faut vous mentionner le mariage de M. de Trailles, qui, après tant d’ajournements, vient enfin de s’accomplir ces jours-ci.

» Je puis vous en parler savamment : j’y ai assisté d’une place où personne ne pouvait voir aussi bien tout ce qui se passait. Ceci vous paraîtra extraordinaire, mais rien n’est plus facile à expliquer. L’organiste de la paroisse où se faisait le mariage et qui devait toucher l’orgue pendant la cérémonie, est une de mes très anciennes connaissances ; retenu au lit par une indisposition, il m’écrivit un mot, en me priant de le remplacer, sans me dire le nom du marié, ce qui, d’ordinaire, ne nous importe guère ; entre confrères on ne se refuse jamais ces sortes de services.

» En arrivant à l’église, comme je vis un grand concours d’équipages, je m’informai auprès du souffleur, et ne fus pas peu surpris en apprenant que c’était pour M. le comte Maxime de Trailles que j’allais avoir à me mettre en frais d’improvisation. Par les moindres côtés, il sem-