Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/249

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qui, avec son esprit plus brillant que solide, ne lui paraissait nullement l’homme qu’il fallait.

— Dans d’aussi mauvaises conditions, ajouta-t-il douloureusement, aller affronter un pareil adversaire uniquement pour le bon plaisir d’un petit faquin dont on aurait dû mépriser la démarche et les rodomontades !

Enfin, le mal était consommé, il fallut bien en prendre son parti. Bricheteau se fit expliquer du mieux qu’il put la forme et l’étendue de ses pouvoirs, et surtout la manière dont il aurait à s’en servir. Quand il demanda à Sallenauve quelle était l’arme de son choix :

— Celle que l’on voudra, lui fut-il répondu. Je n’ai ni du pistolet ni de l’épée une grande habitude ; les chances sont donc égales pour moi avec l’une ou l’autre de ces armes. Ma vraie force, c’est mon bon droit, que Dieu, j’espère, protégera.

Bricheteau hocha la tête d’un air de doute :

— Dire que toutes mes peines depuis plus de trente ans, s’écria-t-il, auront abouti à me faire témoin de cette boucherie !

Et il en était encore à poursuivre ses lamentations quand le vieux Philippe entra et demanda à lui dire un mot en particulier.

— Qu’est-ce donc ? demanda l’organiste en se laissant prendre à part.

— Monsieur sait peut-être, répondit le vieux majordome, que Laurent, le jardinier, a renvoyé, il y a quelques jours, son homme de peine ?

— Non, vraiment, répondit Bricheteau.

— Il l’a remplacé par un homme déjà âgé, mais qui cependant a l’air de pouvoir très bien faire le service ; seulement cet homme a une figure qui ne m’est pas du tout revenue.

— Il ne faut pas toujours juger les gens sur la mine.

— Sans doute, mais si je disais à monsieur que le nouveau venu a de la ressemblance avec un coquin que je crois bien avoir reconnu sous un déguisement ! On ne me trompe pas deux fois moi !

— Mais quel serait donc cet homme ? demanda Bricheteau.

— Tout simplement, répondit Philippe, ce marchand