Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/272

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Son désordre avait fini par être connu de Séverine et l’on se figure les rugissements de cette panthère irritée ; mais, d’un autre côté, la liaison Chargebœuf, était de bien ancienne date, et, à la longue, quelque chose de ce secret n’avait pu manquer de transpirer. Un beau jour, sous une insolente mercuriale de sa femme, Beauvisage s’était redressé, cette arme à la main, et il avait si bien terrifié son aigre moitié, qu’elle s’était trouvée trop heureuse, pour se tirer de ce mauvais pas, de signer avec Philéas, en insurrection déclarée, un traité de tolérance et d’émancipation mutuelles.

Quant à Maxime de Trailles, le lendemain de son mariage, on l’avait entendu dire à la Palferine (voir Béatrix) et à un mari qui se dérangeait : Je serai fidèle à ma femme. Toutefois, s’autorisant des découvertes peu flatteuses pour son amour-propre que lui avait procurées l’affaire Werchauffen, au bout d’un an ou deux, il était retourné au trantran de sa vie passée. Seulement pour mettre à cette rechute un peu de discrétion, il avait repris de Crevel (voir les Parents pauvres) un petit temple de l’amour et du mystère que l’ancien propriétaire de la Reine des Roses avait fait disposer pour lui, rue du Dauphin. Lors de son désastreux mariage avec madame Marneffe, l’ex-parfumeur qui dételait avait été trop heureux de trouver un acquéreur et un successeur aussi distingué que le comte Maxime de Trailles.

À une autre époque de sa vie, Maxime aurait laissé aux desservantes de ce temple le soin de faire les frais du culte, et, comme les anciens prêtres païens, il se fût engraissé du sang des victimes. Mais, malgré les prodiges de la chimie, d’année en année, il arrivait à devenir moins jeune, et par la force de l’âge, de son ancien rôle de percepteur, il avait été conduit au rôle beaucoup moins triomphant de contribuable.

Aussi, malgré le large prélèvement que sa femme lui permettait de faire sur le bien dont, par leur contrat de mariage, elle s’était réservé l’administration et la jouissance, le vieux lion était toujours aux expédients. Déjà, dans l’excitation de ses besoins sans cesse renaissants, il avait trouvé le courage de deux ou trois scènes de violence qui, ayant pour but de préparer pécuniairement son