Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/283

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lards. Le vieux pair d’Angleterre et lord Barimore, le marquis de Ronquerolles, Rastignac, qui n’était pas de la première jeunesse, le duc d’Almada, et enfin ce prince souverain.

— Ce qui explique sans doute que de plus jeunes… reprit vivement la duchesse, sans achever sa pensée.

— Pourquoi me dites-vous cela ? répondit Sallenauve ; il n’y eut jamais rien entre nous que de conditionnel. Je n’accepte pas votre reproche.

— Mais, dit la duchesse, sans l’opposition de monsieur son fils, vous acceptiez très bien la main de madame de l’Estorade. Cette femme, ajouta-t-elle avec un mouvement qui rappelait la Luigia d’autrefois, non encore passée au grand laminoir social, je l’avais deviné, la première fois qu’elle vint dans votre atelier, qu’elle serait la perte de toutes mes espérances !

— Dites donc qu’elle aura été la cause de votre fortune ; car le parti qui s’offre à vous, vous ne ferez pas la faute de le refuser.

— Je le refuserais encore si vous m’en donniez le conseil.

— Oui, mais c’est justement la chose au monde qu’il m’est le moins permis de vous conseiller.

— Vous n’auriez rien su, répondit la Luigia, et je ne vous eusse pas mis dans la nécessité de me parler comme je sens bien que la délicatesse vous le commande, si les renseignements qui me sont parvenus de Paris ne m’avaient appris que vous n’étiez plus libre.

— Ma liberté, je ne l’ai pas abdiquée, que je sache.

— Vous vous trompez, répondit la Luigia, vous êtes trop honnête homme et malgré votre froideur qui vous eût fait un digne époux de madame de l’Estorade, vous avez le cœur trop bien placé pour ne pas vous représenter que cette pauvre enfant, qui vous aime et qui mourra si vous continuez de lui être cruel ; vous ne pouvez la sacrifier à des appréhensions ridicules. Comme si la femme ne se refaisait pas de fond en comble pour l’homme qu’elle aime et comme si, dans l’immensité de son amour, ne devaient pas s’absorber tous les défauts de son éducation.

— Vous êtes étrange, madame, dit Sallenauve, de me plaider la cause de Naïs ! Êtes-vous assez libre vous-