Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 1, 1855.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cuit, s’enlevait toujours à cette phrase dite par Brigitte pendant que Thuillier y plongeait le couteau :

— Je le crois un peu dur ; d’ailleurs va, Thuillier, personne n’en mangera, nous avons autre chose !

Ce bouillon était en effet flanqué de quatre plats montés sur de vieux réchauds désargentés et qui, dans ce dîner, dit de la candidature, consistaient en deux canards aux olives ayant en vis-à-vis une assez grande tourte aux quenelles et une anguille à la tartare répondant à un fricandeau sur de la chicorée. Le second service avait pour plat du milieu une sérénissime oie pleine de marrons, une salade de mâches ornée de ronds de betterave rouge faisait vis-à-vis à des pots de crème, et des navets au sucre regardaient une timbale de macaronis. Ce dîner de concierge qui fait noces et festins coûtait tout au plus vingt francs, les restes défrayaient la maison pendant deux jours, et Brigitte disait :

— Dame ! quand on reçoit l’argent file !… c’en est effrayant !

La table était éclairée par deux affreux flambeaux de cuivre argenté, à quatre branches et où brillait la bougie économique dite de l’