Les autres, gens élus que la foule environne,
Redisent un poème adorable ou fatal,
Mais ces fous, qu’un matin la Jeunesse couronne,
Tombent, ivres encor, du balcon de Vérone,
Sur le grabat d’un hôpital.
Et puis c’est une vierge à la candeur étrange
Dont les Nuits ont rêvé l’amour délicieux,
Mais dont le Ciel avare a voulu faire un ange.
Ce sont mille splendeurs éteintes dans la fange
En rêvant la clarté des cieux !
Luths brisés, chants éteints, glaives qui se provoquent,
Tourbillons palpitants, inquiets, alarmés,
Chœurs aux voiles d’azur que les haines suffoquent ;
Ce sont des yeux, des voix, des mains qui s’entre-choquent,
Comme des bataillons armés !
Tandis que nous aurons une nuit éternelle
Que jusqu’au bout des temps rien ne pourra briser !
Oh ! viens ! mes bras sont nus, ma paupière étincelle,
Mon cœur s’ouvre à jamais, et pourtant je suis celle
Qui ne donne qu’un seul baiser !
Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/141
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée