Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/247

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Tous ces hommes sacrés, élus mystérieux
         Que l’univers écoute,
Ont eu dans le passé d’héroïques aïeux
         Qui leur tracent la route.

Mais nous qui pour donner l’impérissable amour
         Aux âmes étouffées,
Devons être ingénus comme à leur premier jour
         Les antiques Orphées,

Nous qui, sans nous lasser, dans nos cœurs même ouvrant
         Comme une source vive,
Devons désaltérer le faible et l’ignorant
         Pleins d’une foi naïve,

Nous qui devons garder sur nos fronts éclatants,
         Comme de frais dictames,
Le sourire immortel et fleuri du printemps
         Et la douceur des femmes,

N’est-ce pas, n’est-ce pas, dis-le, toi qui me vois
         Rire aux peines amères,
Que le souffle attendri qui passe dans nos voix
         Est celui de nos mères ?

Petits, leurs mains calmaient nos plus vives douleurs,
         Patientes et sûres :
Elles nous ont donné des mains comme les leurs
         Pour toucher aux blessures.