Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/44

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Odyssée ! Iliade ! ô couple ardent et fort !
Vaste dualité, fille d’un même effort !
Ô lyres à cent voix ! ô douces Philomèles !
Coupes aux flancs sculptés ! créations jumelles !
Quel homme eût jamais cru qu’un délire nouveau
Eût pu vous enfanter dans le même cerveau ?
Pourtant, marchant pieds nus dans la ronce et les pierres,
Il tenait dans ses mains les géantes guerrières,
Et jusqu’au but sacré, sans redouter l’affront,
Il porta sans pâlir ces filles de son front.
Mais quand ce créateur eut son œuvre finie,
Cet inventeur des chants, ce héros, ce génie,
Consumé par les feux d’une céleste ardeur,
S’affaissa sous le poids de sa propre grandeur,
Et, les regards fixés aux cieux, où sur leurs ailes
Ses vers avaient porté des Déesses nouvelles,
Colosse, s’endormit au revers du chemin,
Fier, souriant encore, et tenant à la main
Sa lyre de héros, plus noble que l’épée
D’Achille. Ainsi mourut Homère, l’Épopée.
   Mais, ô Muse ! il revit pour jamais comme un dieu,
Dans un temple idéal ouvert sur l’azur bleu :
Nous le voyons, géant environné de gloire,
Dans la lumière, assis sur un trône d’ivoire.
Ses Filles à ses pieds, d’un geste souverain,
Tiennent encor la rame et le glaive d’airain.
Et là, Virgile avec sa longue chevelure,
Lucrèce, à l’œil épris de la grande Nature,