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LES EXILÉS



Le Berger


Tandis qu’autour de nous la Nature se dore
Ivre de fleurs, d’amour et de clartés d’aurore,
Et que tout s’embellit de rayons souriants,
Les chercheurs, les penseurs, les esprits, les voyants,
Les sages, dont la main croit à ce qu’elle touche,
Tiennent dans leur compas l’immensité farouche,
Et disent : Ce berger, que vous appelez Dieu,
N’existe pas. Là-haut, dans les plaines de feu,
Les blancs troupeaux, suivant la trace coutumière,
Sans nul guide, au hasard, marchent dans la lumière
Et, sans que jamais rien ne gêne leur essor,
Rentrent, quand ils sont las, dans leurs cavernes d’or.
Puis dans leur noir réduit, plein d’ombre et de fumée,
Les orgueilleux savants, dont l’oreille est fermée,
Murmurent, en montrant d’en bas les vastes cieux :
Là tout est vide, car tout est silencieux.
Cependant, pour bercer l’infini qui respire,
Le doux Berger pensif touche sa grande lyre ;