Page:Banville - Contes bourgeois, 1885.djvu/250

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lorsqu’elle apprit enfin que Rosalie était la maîtresse de son mari.

D’ailleurs, les deux femmes n’abordèrent jamais dans sa réalité cette question brûlante ; mais tout en restant dans les allusions et les sous-entendus, la femme de chambre fit très bien comprendre à sa maîtresse que le mal eût été beaucoup plus grand, si une autre qu’elle eût pris de l’influence sur Simonat, trop égoïste et sensuel pour n’être pas gouverné par ses désirs. Mme Henriette fut persuadée avec raison qu’en tout état de cause, Rosalie prendrait son intérêt et celui de ses enfants, et si elle ne se consola pas de se voir amèrement délaissée, elle dut garder encore à son indigne rivale quelque chose comme une reconnaissance triste et désolée. Cependant tant de déceptions, l’incurable regret d’une vie manquée et sans issue ne tardèrent pas à détruire les dernières forces de Mme Simonat ; usée et à bout de résistance, sans maladie apparente, elle s’alita bientôt pour mourir, et mourut, en effet, tenant dans ses bras François et Julie, que Rosalie était allée chercher à Tours. Tout en les couvrant de ses derniers baisers, la malheureuse mère les confiait, les recommandait du regard à sa servante, à qui elle avait chrétiennement pardonné.

De nombreux parents vinrent assister aux obsèques de Mme Henriette, et au retour du cimetière, Simonat les régala d’un plantureux festin, où furent mangés des cochons de lait rôtis, des pâtés de venaison et des carpes de la Loire, et où les vins de Vouvray coulèrent à pleins bords ; le soir même, chacun partit de son côté, et Rosalie reconduisit les