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L’ANNÉE CRUELLE


À Émile Bergerat.


Oui, j’aimerais mieux être, ô mon cher Bergerat,
Chien dans la rue, ou bien dans une auberge rat,
Ou mesurer du drap d’Elbeuf par centimètres,
Que de faire ce dur métier d’homme de lettres !
Eh ! quoi, toujours pâlir ainsi que Deburau,
Et, les yeux sur le cuir violet d’un bureau,
Sans avoir su quel crime ici-bas l’on expie,
Entasser en monceau des feuillets de copie !
Ah ! je n’étais pas né pour ce fatal destin !
Au lieu de respirer au bois l’odeur du thym,
Comme un noyé blême à qui nul ne tend la perche,
Enfoncé dans sa nuit, l’homme de lettres cherche