Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/15

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C’était le Meurtre ayant dans la main son couteau,
Le Vol, cachant des sacs pleins d’or sous un manteau,
L’Usure avec des mains faites comme des serres,
La Débauche riante au sein rongé d’ulcères,
L’Avarice veillant auprès d’un coffre ouvert,
L’Ivresse avec son verre empli du poison vert,
La Colère acharnée à de hideux sévices,
Et toute la cohorte innombrable des Vices
Et des vils Appétits repus et triomphants.
Et tous, en regardant les beaux petits enfants,
Disaient : Vous serez les acteurs des sombres drames,
Les vivants. Vous serez des hommes et des femmes,
Nés de la fange, par le désir entraînés,
Abjects, vains ; c’est pourquoi vous nous appartenez.
Ivres et furieux, vous chercherez vos joies
Dans la chair pantelante, et vous êtes nos proies.
Mais un frisson d’horreur dans leur foule courut
Et tranquille, parmi les enfants apparut,
Avec une douceur amie et reposée,
Pareil au chaste lys que baigne la rosée,
Un enfant couronné d’épines, que ceignait
Une blanche auréole, et dont le front saignait.
Devant son clair regard, aussi doux que les baumes,
S’enfuirent, éperdus, les livides fantômes,