Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/37

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Les Déesses volant avec l’ardent Zéphyr
Et regardant l’azur de leurs yeux de saphir ;
Dans le matin, brumeux comme une mousseline,
Le portefaix de Rome accostant Messaline ;
Notre France expirant dans sa gloire, Azincourt ;
Jeanne écoutant ses voix, Ange qui nous secourt ;
Les rois, tous ces Louis à l’âme versaillaise ;
La Révolution chantant sa Marseillaise
Et, pareil à Roland qui meurt au fond du val,
Napoléon poussant devant lui son cheval ;
Puis la Douleur moderne avec sa platitude,
L’épouvante, l’oubli des Dieux, l’inquiétude,
Et la blessure d’où notre sang ruissela,
Tu songes, tu revois, tu pétris tout cela,
Et jetant sur tes yeux sa fantasmagorie,
Cette magicienne en deuil, l’Allégorie
Qui fait vivre et frémir l’idée en ton cerveau,
Invente chaque jour un spectacle nouveau.
Avec leurs cavaliers épars, leurs cris sonores,
Leurs bûchers embrasés flambant sous les aurores,
Les projets de tableaux que tu m’as racontés,
Nombreux comme les flots que nul œil n’a comptés,
Lasseraient ton génie et ton âme intrépide,
Quand même tu peindrais d’une main plus rapide