Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/179

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— Oh ! non, murmure Émile d’une voix étouffée et tremblante. Dites-moi que vous avez voulu m’épouvanter, et que tout cela est un rêve, un mensonge, une affreuse comédie !

— Allons ! dit Séraphine Disse, prenant son parti, avec la fatigue exaspérée d’une actrice qui pour la cent millième fois met son rouge, vous avez raison, Émile. Tout cela n’est que jeu, et je plaisantais. » Et elle ajoute, avec un mauvais sourire : « La vérité, c’est que je t’aimerai, — et je te serai très fidèle ! »


CVI. — JUSTE RETOUR

Le jeune Roger Pierril est venu voir son illustre maître Castri, dont on peut dire qu’il est un grand poète, même dans le siècle de Victor Hugo. L’enfant trouve ce demi-dieu effaré et stupéfait dans sa barbe noire de Zeus olympien, car il écoute une visiteuse accourue de loin pour l’admirer, madame Henriette Bouderis, de Verdun, dont le fabuleux discours étonne celui qui pendant trente ans a étonné le monde.

Cette provinciale est un colosse de force et de beauté. Son petit front que dévore une noire chevelure, ses yeux à fleur de tête, son nez dont la ligne est impitoyablement droite, ses lèvres et son menton classiques, son cou en tour d’ivoire brun, semblent avoir été indûment