Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

empressés autour de la petite vicomtesse, et les femmes ont pâli, en cherchant en vain le défaut de sa toilette irréprochable. Le cou entouré et caressé par un collier de primevères, madame Céline de Fonfride porte un corsage en satin rose pâle broché d’argent. La jupe est courte, lilas à fleurs rose et argent, avec une grosse ruche déchiquetée dans le bas, alternativement de satin rose et lilas et d’étoffe d’argent.

Toutes les coutures et tous les bords de cette robe princière sont cachés et couverts par des guirlandes de primevères sans feuillages. Les bras sont entièrement couverts par de très hauts gants anglais en peau rosée, fermés par des boutons de diamants. Enfin, excentricité charmante et empruntée à un portrait fameux du temps de Louis XV, le corsage un peu montant est, sur la poitrine, troué de trois crevés, d’une grâce alléchante et irritante. Des joyaux anciens formés de très claires améthystes et de coraux d’un pâle rose montés en argent, des souliers en toile d’argent et des bas lilas tendre, un éventail en plumes brodé de primevères, complètent la parure de cette femme idéalement capiteuse, qui en un instant vient de rendre Paris fou d’amour.

Les autres femmes ? il n’y en a plus ! Les hommes, ils l’adorent tous, et tous, d’un geste, d’un demi-sourire, d’un clin d’œil, d’un mot qu’elle laisse tomber, elle les tient là, charmés, séduits, enchaînés, captifs. Puis, après Faure et mademoiselle Krauss ! elle va au piano, et chante. Avec une verve, une justesse, une mesure, un esprit