Page:Banville - Les Belles Poupées, 1888.djvu/27

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pommes d’Ève, et dans votre bouche de rose vous n’avez rien senti qu’un peu de cendre ! On vous a payée en bon or comptant, et, quand vous avez ouvert votre petite main enfantine, il n’y avait rien dedans que des feuilles sèches ! C’est à faire pleurer les pierres. Ah ! mon amie, si je pouvais vous le faire deviner par la pensée, ce monde fermé devant vos pas, vous y verriez des palais auprès desquels ceux de Sémiramis sont des étables, et des fleurs de diamants qui feraient ressembler à un ruisseau bourbeux le fulgurant flot d’or du Pactole !

— Hélas ! dit la jolie Cécile, n’allons pas si vite ! ce que je ne sais pas, à mon grand dam ! je ne l’ignore pas non plus complètement. En cette affaire, comme toujours, la réalité dépasse en imprévu les imaginations les plus folles. Mon histoire est si extraordinaire que, si un conteur s’avisait de l’écrire, on le mettrait aux Petites Maisons. Aussi les artistes ont-ils raison de ne pas se colleter avec la vie réelle, et de s’en tenir aux lieux communs habilement présentés.

— Mais moi je vous croirai, dit Louise Orélia, car je sais, pour l’avoir expérimenté, que le vrai ne peut jamais être vraisemblable. Dites-moi donc votre conte, qui déjà m’intéresse infiniment ; car, d’après les quelques mots