Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/305

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plus excentrique. Pour ce faire, vous aurez l’extrême obligeance de raconter chacun en peu de mots quelle est votre vie.

— Parfait, s’écria un personnage énorme, écarlate et souriant, un Roger-Bontemps taillé sur le modèle de sir John Falstaff. De cette façon-là chacun dira donc la sienne.

— Précisément, dit lord Angel ; et, continua-t-il avec un salut charmant, comme je ne veux rien vous demander que je ne sois moi-même disposé à faire pour vous, je vous raconterai, si cela peut être agréable à ces dames, mon histoire et l’histoire de mes moyens d’existence.

— Milord, interrompit un personnage auquel, par une erreur bizarre, la nature s’était plu à donner le nez historique des Bourbons, vous nous faites honneur !

— Je vous en prie, dit une des dames en se tournant gracieusement vers lord Sidney.

— Mon Dieu, fit-il en souriant tristement, mon histoire est bien simple : je suis né de parents riches.

— Vous êtes bien heureux ! fit un des convives, jeune homme au teint hâlé, mais dont les formes élégantes et sveltes faisaient songer aux Silvandres de Watteau.

— Comment l’entendez-vous ? demanda d’une voix forte un athlète couvert de balafres comme un vieux reître du temps de la Ligue.

— Hélas ! messieurs, reprit lord Sidney, il n’y a aucune manière de l’entendre, car c’est cette circonstance qui fait le malheur de toute ma vie ! Forçat de la richesse, j’ai dépensé sans relâche dans ma vie, plus de ruse, d’énergie, de patience, d’imagination, d’intrigue, de volonté et d’esprit, pour devenir pauvre, que les très-célèbres