Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/100

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existé pourtant, ces règles absurdes, sottes et mortelles, et Boileau a écrit dans le mauvais français dont il avait le secret dès qu’il parlait en vers :


Ayez pour la cadence une oreille sévère.
Que toujours dans vos Vers le sens, coupant les mots,
Suspende l’hémistiche, en marque le repos.

Boileau. L’Art Poétique, Chant I.


Nous avons mieux à faire que de critiquer L’Art Poétique, et toutefois je ne puis perdre l’occasion de marquer au passage le premier de ces trois vers, à la fois plat, sourd, cacophonique et sec, comme un des plus mauvais vers qui aient jamais été écrits. Mais brisons l’os : la moelle est dans les deux derniers vers. Quelle est la valeur poétique et historique de la règle qu’ils énoncent ?

Nulle. — Elle n’existe pas, elle ne saurait exister, et pourtant elle a fait bien du mal ! Ce n’est pas le seul exemple d’une négation meurtrière et d’un rien qui a tué quelque chose.

Cette règle, qui l’a imagée, formulée, édictée ?

Boileau.

Qui a mis hors la loi, dévoué aux Dieux infernaux et condamné à mort (heureusement ils se portent assez bien) les poëtes qui refusaient d’obéir à cette règle ?

Boileau.