Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/135

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épiques, non plus qu’Homère ni Théroulde ne poursuivaient pas la gloire de bâtir une épopée. Guerriers comme poètes, ils obéissaient à un instinct…

…… « Il faut avouer, dit Voltaire[1], qu’il est plus difficile à un Français qu’à un autre de faire un poëme épique ; mais ce n’est ni à cause de la rime, ni à cause de la sécheresse de notre langue. Oserai-je le dire ? C’est que de toutes les nations polies la nôtre est la moins poétique. — Oserai-je à mon tour contredire Voltaire ? Il n’est pas plus difficile à un Français qu’à un autre de faire un poëme épique, et la nation française n’est pas la moins poétique de toutes les nations polies. La difficulté n’est pas celle qu’indique Voltaire ; la voici : c’est qu’un siècle raisonneur n’est pas plus capable de produire une épopée qu’un enfant de produire un traité de philosophie. »

Les encyclopédistes, qui souvent ont vu si loin et si juste, avaient été entraînés à proclamer le contraire de cette vérité par la nécessité où ils se trouvaient d’imposer comme un article de foi l’admiration de La Henriade. On lit dans l’Encyclopédie, à l’article Épopée : « Nous croyons pou-

  1. Essai sur le poème épique, chap. iv.