Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/183

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si bien pondéré ; la double rime du quatrième et du cinquième vers, rattachée à celle du second vers, appelle si bien la double rime du sixième et du septième vers rattachée à celle du neuvième vers, qu’on n’aurait pas le courage de donner le coup de ciseau qui séparerait les deux parties de cette belle strophe. Tout l’artifice, toute la gloire du poëte consiste à bien attacher sa strophe, précisément là où elle risque de se casser, c’est-à-dire entre le cinquième vers et le sixième. Il faut que le cinquième vers soit une véritable Schéhérazade, dont l’imagination force le sultan son maître à brûler d’envie d’entendre le sixième vers !


Terza Rima. C’est un de nos plus beaux rhythmes, et, en dépit de son origine italienne, un des plus français, noble, gracieux, rapide, apte à prendre tous les tons, et qui se prête à la fois au chant et au récit. On serait tenté de le croire d’invention récente, parce que ce sont nos contemporains qui ont excellé à s’en servir; mais, au contraire, nous le trouvons, du vivant même de Ronsard, chez le poète comique et tragique Étienne Jodelle, dans les vers À sa Muse :


Tu sçais, ô vaine Muse, ô Muse solitaire
Maintenant avec moi, que ton chant qui n’a rien
De vulgaire, ne plaist non plus qu’un chant vulgaire, etc.