Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/289

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de toute poésie lyrique, et aboutissent forcément à la satire, au pamphlet, à la prose et à tout ce qui a pour effet nécessaire de remplacer la lyre par un paquet de plumes et la chanson par une poignée de verges. Aussi leur persistance à retourner vers le courant épique et lyrique est-elle pour le moins égale à celle que la nation met à repousser cette révolution toujours imminente. De là entre le poëte et son public un dissentiment nécessaire et inguérissable ; cette divergence d’idées explique bien des choses dans notre littérature, mais elle explique surtout le succès et la chute de Pierre de Ronsard, succès fait par les érudits, par les reines, par les grands seigneurs, chute amenée par l’antipathie profonde dont nous poursuivons l’art élevé, la langue des images, la poésie pindarique. Et cette question serait mal comprise si l’on ne se rendait un compte exact de l’action prodigieusement exceptionnelle de Boileau, qui, en attaquant Ronsard et ses émules, est allé directement contre son rôle de poëte classique ; mais une telle injustice s’explique de reste par l’impuissance lyrique du grand écrivain qui a pu composer l’ode sur la Prise de Namur et le sonnet sur la Mort de la jeune Oronte. Même en des matières où sa partialité ne saurait être mise en doute, le